Nous avons dépassé les 100% ! 🌟🌟🌟 Un nouveau palier s'ouvre pour les frais d'un beau pelliculage "grain de pierre" sur l'étui, pour une traduction en turc du livret textes, pour la photogravure!!! 🙌🙌🙌🙌🙌

Avec les années, se sont réfugiés à Tarlabaşı ceux que la vie avait mâchés puis recrachés et qui s’efforçaient de rester debout. (Ahmet Ümit, Beyoğlu'nun En Güzel Abisi)

Les répercussions du capitalisme globalisé sur le tissu urbain et le creusement des inégalités sociales sont la boussole de mes travaux en Turquie depuis 2007. Des amis turcs m’ont appris en 2014 ce qui se passait dans le quartier de Tarlabaşı au cœur de l’Istanbul historique. Depuis 2012, la phase initiale d’un vaste programme de « régénération » urbaine a mordu dans la chair de Tarlabaşı. Son but : le renvoi de la population actuelle, largement composée de familles déclassées, de marginaux, de personnes interlopes. Gens trop peu seyants pour un territoire si bien situé. Un « Nouveau Tarlabaşı », conçu pour investisseurs étrangers, fait d’immeubles de rapport, bureaux haut de gamme, hôtels cinq étoiles pour classes aisées et touristes en fonds surgira à leur place. D’où vient ce bruit à l’horizon ? est un sujet spécifique à un quartier mais sa thématique renvoie à un vaste phénomène mondial ravageur: la gentrification.

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Bien sûr, dans un quartier submergé par tous les problèmes que la pauvreté engendre - prostitution, délinquance, drogue, économie grise – et laissé systématiquement en déshérence et dénigré par les pouvoirs municipaux et nationaux, ceux-ci ont voulu faire oublier que la majorité des habitant.es sont des hommes et femmes kurdes arrivé.es de leurs villages du nord-est et sud-est de la Turquie pour devenir travailleurs.euses pauvres à la ville. Des personnes avec qui, au fil de mes séjours, je suis devenue proche… quand ils ne disparaissaient pas.

D’où vient ce bruit à l’horizon ? est un travail images+propos recueillis mené sur neuf années (2014-2023). Le chantier controversé, largement encore à construire en octobre 2023 à cause de nombreux litiges, alors que son achèvement avait été initialement prévu en 2014, puis 2016, puis 2018…, tient une place. Mais j’ai voulu surtout que mon travail sur Tarlabaşı donne leur place aux hommes et femmes emblématiques de ce quartier éprouvé.

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Ali, mauvais garçon Le fumoir de Şeref Özge, travailleuse du sexe

De toutes les personnes qui m’ont fait confiance pour me parler et être photographiées, beaucoup ont disparu. Précarité de la vie des délinquants et des travailleuses de sexe. Aux personnes qui sont encore là, je destine, bien entendu, un exemplaire de ce livre-objet.

Si l’objectif initial de ma campagne est atteint, un nouveau palier de €2.000 s’ouvrira qui permettra de rémunérer une personne pour traduire en turc le livret et en imprimer 20 exemplaires.

Je suis remarquablement épaulée ! Le romancier turc, Ahmet Ümit, m’a gracieusement autorisée à utiliser dans mon ouvrage des citations extraites de son roman noir situé à Tarlabaşı, Beyoğlu'nun En Güzel Abisi (2013 chez Everest Yayınları).

Jean-François Pérouse, géographe-urbaniste, a accepté avec beaucoup de générosité d’écrire un texte expert, et également affectif et fin, sur ce quartier qu’il habite depuis 20 ans.

Sophie Bernard, journaliste et critique photo, qui connaît mon travail en Turquie depuis ses débuts avec la série du Loukoum au Béton, me fait le grand plaisir et l’amitié d’écrire la préface.

La prémaquette des sept leporellos façonnés à la main en juillet 2024 par mon maquettiste de choc, Dominique Mérigard. Il y a eu des améliorations depuis - notamment plus de bords et fonds blancs. Ils sont devenus gris sombre pour mieux convoquer la menace sur le quartier et les vies enfermées. Je tenais néanmoins à vous donner un aperçu de l’esprit de cet bel ouvrage singulier.

Extrait de l’Introduction sensible de Jean-François Pérouse

En 20 ans, combien d’immeubles anciens se sont effondrés, tant ils étaient négligés ; et de combien d’incendies parfois tragiques j’ai été le témoin impuissant ; […] de combien de descentes de police sur les sièges local et départemental du parti kurde perpétuellement rebaptisé ; de combien de règlements de compte entre dealers patibulaires ou angéliques, ainsi qu’entre mafieux de l’immobilier grisés par les opportunités de cette zone où surabondent les immeubles en déshérence…

Mais en même temps, de combien de noces débridées à même la rue j’ai été témoin,[…]. Et tant de personnes croisées, présences miraculeuses rayonnantes d’humanité. Présences régulières : celle du veilleur de nuit syrien d’une entreprise d’hôtellerie aux clients en majorité arabophones, toujours souriant et alerte, celle de l’employée azerbaïdjanaise si méticuleuse du boulanger kurde, celle de l’électricien originaire de la mer Noire amoureux fou des chats et dépensant tout le peu qu’il gagne pour les loger et les nourrir décemment, celle du débonnaire plombier géant, lecteur de Levinas et de Dumézil et infatigable polémiste […].

L’ouvrage est constitué de :

- sept leporellos (des livres en accordéon) thématiques avec 81 images couleur en tout. Cette division en sept parties fait écho à la réalisation par tranches de la première phase du projet de "régénération" urbaine;

- un livret avec les textes de Jean-François Pérouse et Sophie Bernard ainsi que de larges extraits de mes journaux tenus pendant mes séjours. Grâce aux extraits, on apprend à connaître les personnes photographiées et le quartier. Dès le départ je voulais que la parole de ces personnes méprisées occupe une réelle place dans D’où vient ce bruit à l’horizon ?;

- un document avec les vignettes des images et leur légende ;

- un étui soigné qui réunit les éléments de l'ouvrage.

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Şilan, prostituée depuis 8 ans La main d'Ali sur son pitbull

Extrait de mon carnet de bord pour le 29 août 2014:

Şilan a 29 ans. J’avais remarqué une cicatrice à la base de son cou. C’est moi qui me suis coupée exprès. Şilan a tourné la tête pour me montrer une autre cicatrice, plus longue, qui court le long de son oreille gauche jusqu’au cou. Et une autre dans les cheveux. Celles-là, viennent de son mari. Mais j’ai divorcé. Son bras gauche est couvert de cicatrices. Le mari encore ? Non, c’est moi, c’était une punition. Parce que je suis une fahişe (mot plus péjoratif que hayat kadını pour dire prostituée). Ce que je fais est un péché. C’était lors d’une nuit de défonce et elle avait 21 ans.